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et trouvait les châtiments rudes, mais justes ; il discutait ensuite les probabilités de l’avenir, et me donnait l’excellent conseil de me soumettre jusqu’à ce qu’on jugeât à propos de m’absoudre.

— Mais, lui disais-je, n’est-ce point une honte qu’un homme mûri, comme je le suis maintenant, par la réflexion, et rudement éprouvé par la guerre, se soumette comme un enfant au caprice d’une femme ?

— Non, me répondait Arthur, ce n’est point une honte : et la conduite de cette femme n’est point dictée par le caprice. Il n’y a que de l’honneur à réparer le mal qu’on a fait, et combien peu d’hommes en sont capables ! Il n’y a que justice dans la pudeur offensée qui réclame ses droits et son indépendance naturelle. Vous vous êtes conduit comme Albion, ne vous étonnez pas qu’Edmée se conduise comme Philadelphie. Elle ne se rendra qu’à la condition d’une paix glorieuse, et elle aura raison.

Il voulut savoir quelle conduite avait tenue Edmée à mon égard depuis deux ans que nous étions en Amérique. Je lui montrai les rares et courtes lettres que j’avais reçues d’elle. Il fut frappé du grand sens et de la parfaite loyauté qui lui parurent ressortir de l’élévation et de la précision virile du style. Edmée ne me faisait aucune promesse et ne m’encourageait même par aucune espérance directe ; mais elle témoignait un vif désir de mon retour et me parlait du bonheur que nous goûterions tous, réunis, autour de l’âtre, quand mes récits extraordinaires prolongeraient les veillées du château ; elle n’hésitait pas à me dire que j’étais, avec son père, l’unique sollicitude de sa vie. Cependant, malgré une tendresse si soutenue, un terrible soupçon m’obsédait. Dans ces courtes lettres de ma cousine, comme dans celles de son père, comme dans les longues épîtres tendres et fleuries de l’abbé Aubert, on