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— Et il veut vous épouser, Edmée ? Ou c’est un homme sublime, en effet, ou il est plus endetté qu’on ne pense.

— Taisez-vous ! dit Edmée avec colère ; cette odieuse explication d’une conduite généreuse part d’une âme insensible et d’un esprit pervers. Taisez-vous, si vous ne voulez pas que je vous haïsse.

— Dites que vous me haïssez, Edmée, dites-le sans crainte, je le sais.

— Sans crainte ! Vous devriez savoir aussi que je ne vous fais pas l’honneur de vous craindre. Enfin, répondez-moi : sans savoir ce que je prétends faire, comprenez-vous que vous devez me rendre ma liberté et renoncer à des droits barbares ?

— Je ne comprends rien, sinon que je vous aime avec fureur et que je déchirerai avec mes ongles le cœur de celui qui osera vous disputer à moi. Je sais que je vous forcerai à m’aimer, et que, si je ne réussis pas, je ne souffrirai jamais, du moins, que vous apparteniez à un autre, moi vivant. On marchera sur mon corps criblé de blessures et saignant par tous les pores avant de vous passer au doigt un anneau de mariage ; encore vous déshonorerai-je à mon dernier soupir en disant que vous êtes ma maîtresse, et je troublerai ainsi la joie de celui qui triomphera de moi ; et, si je puis vous poignarder en expirant, je le ferai, afin que dans la tombe, du moins, vous soyez ma femme. Voilà ce que je compte faire, Edmée. Et maintenant, jouez au plus fin avec moi, conduisez-moi de piège en piège, gouvernez-moi par votre admirable politique : je pourrai être dupe cent fois, parce que je suis un ignorant, mais votre intrigue arrivera toujours au même dénouement, parce que j’ai juré par le nom de Mauprat !

— De Mauprat Coupe-jarret ! répondit-elle avec une froide ironie.