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l’art merveilleux de me témoigner la plus tendre affection sans jamais se laisser amener à une explication nouvelle sur nos mystérieuses fiançailles. Si je n’avais pas encore la grandeur d’âme de renoncer à mes droits, du moins j’avais acquis assez d’honneur pour ne plus les rappeler, et je me retrouvai précisément dans les mêmes termes avec elle qu’au moment où j’étais tombé malade. M. de La Marche était à Paris ; mais, selon elle, il y avait été appelé par les devoirs de sa charge, et il devait revenir à la fin de l’hiver où nous entrions. Rien dans les discours du chevalier ou de l’abbé ne témoignait qu’il y eût rupture entre les fiancés. On parlait rarement du lieutenant général, mais on en parlait naturellement et sans répugnance ; je retombai dans mes incertitudes, et n’y trouvai d’autre remède que de ressaisir l’empire de ma volonté. « Je la forcerai à me préférer, » me disais-je en levant les yeux de dessus mon livre et en regardant les grands yeux impénétrables d’Edmée attachés avec calme sur les lettres de M. de La Marche, que son père recevait de temps en temps, et qu’il lui remettait après les avoir lues. Je me replongeai dans l’étude. Je souffris longtemps d’atroces douleurs à la tête, mais je les surmontai avec stoïcisme ; Edmée reprit le cours d’études qu’elle faisait pour moi indirectement durant les soirs d’hiver. J’étonnai de nouveau l’abbé par mon aptitude et la rapidité de mes triomphes. Les soins qu’il avait eus de moi dans ma maladie m’avaient désarmé, et, quoique je ne pusse encore l’aimer cordialement, sachant bien qu’il ne me servait pas auprès de ma cousine, je lui témoignai beaucoup plus de confiance et d’égards que par le passé. Ses longs entretiens me furent aussi utiles que mes lectures ; on m’associa aux promenades du parc et aux visites philosophiques à la cabane couverte de neige de Patience. Ce fut un moyen de voir Edmée plus souvent et plus