Page:Sand - Mauprat.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de Bernard derrière les grilles d’un couvent. Vous y resterez quelques années ; vous ferez mine de prendre le voile. Le jeune homme vous oubliera ; on vous rendra votre liberté.

— C’est, en effet, le seul parti raisonnable, et j’y ai déjà songé ; mais il n’est pas encore temps d’y recourir.

— Sans doute. Il faut tenter l’aveu à M. de La Marche. S’il est homme de cœur, comme je n’en doute pas, il vous prendra sous sa protection, et il se chargera d’éloigner Bernard, soit par la persuasion, soit par l’autorité.

— Quelle autorité, l’abbé, s’il vous plaît ?

— L’autorité qu’un gentilhomme peut avoir sur son égal dans nos mœurs, l’honneur et l’épée.

— Ah ! l’abbé, vous aussi, vous êtes un homme de sang ! Eh bien ! voilà ce que j’ai voulu éviter jusqu’ici ; ce que j’éviterai, dût-il m’en coûter la vie et l’honneur ! Je ne veux pas de conflit entre ces deux hommes.

— Je le conçois ; l’un des deux vous est cher à juste titre. Mais, évidemment, dans ce conflit, le danger ne serait pas pour M. de La Marche.

— Il serait donc pour Bernard ! s’écria Edmée avec force ! Eh bien, j’aurais horreur de M. de La Marche s’il provoquait en duel ce pauvre enfant, qui ne sait manier qu’un bâton ou une fronde. Comment de telles idées peuvent-elles vous venir à vous, l’abbé ? Il faut que vous haïssiez bien ce malheureux Bernard ! Et moi qui le ferais égorger par mon mari pour le remercier de m’avoir sauvée au péril de sa vie ! Non, non, je ne souffrirai ni qu’on le provoque, ni qu’on l’humilie, ni qu’on l’afflige. C’est mon cousin, c’est un Mauprat, c’est presque un frère. Je ne souffrirai pas qu’on le chasse de cette maison ; j’en sortirai plutôt moi-même.