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XXIII

Madame André se leva toute droite en s’écriant :

— Ainsi tout est rompu !

Marianne regarda Pierre, qui n’avait pu contenir un cri de joie.

— En êtes-vous content, mon parrain ? dit-elle.

— Non, si tu le regrettes !

— Je ne le regrette pas. Il n’avait pour lui que son audace, qui d’abord m’avait donné bonne opinion de lui. Je me disais qu’avec un homme si décidé je n’aurais jamais la peine d’avoir une volonté à moi, et je trouvais cela très-commode ; mais, quand on ne doute de rien, il faut avoir beaucoup de jugement, et au bout de trois de ses paroles j’ai vu qu’il pouvait avoir du cœur, de l’esprit et de la bonté, mais pas l’ombre de raison. Qu’est-ce que je deviendrais, moi si nulle et si faible, avec un maître sans cervelle ? Ce n’est pas possible, et, comme il voulait absolument savoir mon opinion sur son compte, je la lui ai dite tout bonnement, comme je vous la dis.

— Raconte-nous donc comment cela s’est passé, dit madame André. Et d’abord, étiez-vous ? Est-ce dans l’étable à bœufs qu’il t’a fait sa déclaration ?

— Non, c’est dans le pré, là, de l’autre côté du buisson. Je m’étonne que vous ne nous ayez pas entendus, car nous nous disputions fort en marchant. Quant à la déclaration, elle était toute faite ici, devant vous, sous l’influence du vin muscat, et il n’avait pas besoin d’y revenir. Il a parlé mariage de suite ; mais, comme mon parti était déjà pris, je lui ai répondu tout de suite que je ne voulais pas me marier ; de là la que-