— Où vas-tu si matin ? lui dit-il d’un ton d’autorité dont elle fut surprise.
— Cela vous intéresse, mon parrain ? Je vais chercher du beurre à la ferme de Mortsang. Nous en manquons pour votre dîner, et moi, je prétends que rien ne vous manque chez moi.
— Envoie quelqu’un, Marianne, et ne va pas à Mortsang ; ne va nulle part, je te prie, ne cours pas la campagne aujourd’hui. Reste chez toi à nous attendre ; demain, tu sauras si tu dois interrompre ou continuer tes courses solitaires.
— Je ne comprends pas.
— Ou tu ne veux pas comprendre. Eh bien, sache que Philippe Gaucher a quitté Dolmor au milieu de la nuit pour t’apporter un bouquet. Seulement il s’est trompé et il l’a porté à Mortsang ou ailleurs ; mais, si tu vas par là, tu risques de le rencontrer.
— Eh bien, quand je le rencontrerais ?
— C’est comme tu voudras. Je t’ai avertie. S’il te plaît de courir après lui…
— Personne ne peut supposer que je sois si pressée de le voir.
— Il le supposera, lui !
— Il est donc fat à l’excès ?
— Je ne dis pas cela, c’est à toi de le juger ; mais il a beaucoup d’assurance, et cela, tu dois déjà le savoir.
— Oui, il a de l’assurance, mais entre l’assurance et la sottise il y a de la marge. Parlez-moi de lui, mon parrain, puisque nous voilà seuls. Je renonce à faire mes commissions moi-même aujourd’hui, du moment que vous me désapprouvez. Je vais rentrer en disant que Suzon a boité et que je ne veux pas la faire marcher. Mais causons un peu, puisque nous nous rencontrons si à propos.
— Je ne te rencontre pas. Je te guettais.
— Moi ? vraiment ?
— Oui, toi. Je te dois conseil et protection jusqu’au moment où tu me diras : « Je connais ce jeune homme