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Pardon, je te parle en pédant, et la manière dont je m’exprime doit te sembler ridicule. Pour me résumer, je te jure que je n’ai pas trouvé de solution, et que je compterais beaucoup sur toi pour m’éclairer, si tu voulais prendre la peine de causer quelquefois avec nous d’autre chose que de la lessive ou du prix des volailles au marché.

— Je ne peux causer que de ce que je sais, mon parrain, et je ne connais pas les mots pour dire tout ce que je pense. Il me faudrait le temps de les chercher… Attendez ! je vais essayer !

XII

Ils gardèrent tous trois le silence pendant quelques instants. Marianne avait l’air de faire de tête une addition de plusieurs chiffres considérables. Madame André ne paraissait pas trop surprise de ses velléités de raisonnement. Pierre seul était agité au dedans de lui-même. Il avait apparemment pris très à cœur de résoudre le problème qu’il s’était posé le matin, à savoir si Marianne était une intelligence endormie ou nulle.

Elle rompit enfin le silence d’un air un peu impatienté.

— Non, dit-elle, je ne pourrai pas m’expliquer. Ce sera pour une autre fois. D’ailleurs je n’étais pas venue pour vous demander si l’instruction rendait les gens plus heureux ou plus malheureux ; je voulais seulement savoir si je pouvais m’instruire sans sortir de chez nous.

— On peut, répondit Pierre, s’instruire partout et tout seul, pourvu qu’on ait des livres, et tu as le moyen de t’en procurer.