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— Je ne comptais pas le nommer avant d’avoir ton assentiment à la présentation ; mais puisque tu devines si bien…

— Je ne me rappelle pas bien… dit Marianne pensive ; ils sont deux ou trois !

— Ils sont deux. C’est le plus jeune qui aspire à ta main.

— Il aspire… Je me le rappelle très-confusément. C’était un enfant. Il ne doit plus se souvenir du tout de moi. Il a donc besoin de mon petit avoir ?

— Il n’aspire pas précisément, c’est son père… Mais, tiens, j’ai la lettre ; puisque tu sais tout, tu peux la lire.

Marianne s’arrêta pour lire la lettre du père Gaucher. Elle le fit avec sa tranquillité habituelle. André observait son visage, qui eut un imperceptible sourire à deux ou trois passages où le commerçant traduisait la question du mariage avec une crudité ingénue, mais elle ne s’étonna ni ne se fâcha, et rendit la lettre à Pierre en lui disant :

— Eh bien, laissez-le venir, mon parrain, on verra !

IX

Pierre eut un étrange sentiment de dépit, et, revenant à ses habitudes de raillerie :

— Je vois, lui dit-il, que ma mère se trompait beaucoup. Tu n’es pas du tout jalouse de coiffer sainte Catherine ?

— Il faut que je me marie à présent ou jamais, répondit Marianne. Plus tard, je ne m’y déciderais plus.

— Pourquoi ?

— Parce que la liberté est une chose précieuse et très-douce. Si on y est trop habitué, on la regrette trop.