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II

Voyager était son rêve. Il voyagea utilement pour ses élèves, car il sut leur donner de bonnes notions d’histoire et d’histoire naturelle sous une forme agréable. Il parcourut avec eux l’Europe et une partie de l’Asie. Il allait partir pour l’Amérique avec eux, lorsqu’une grave maladie de leur père les rappela près de lui. À la suite de cette maladie, le père demeura infirme, les fils durent se mettre à la tête de sa maison de banque ; dès lors les fonctions de Pierre André cessèrent.

Il avait alors trente-cinq ans et se voyait à la tête d’une dizaine de mille francs d’économies ; ses parents l’engageaient à acheter de la terre et à se fixer près d’eux. Il y passa quelques semaines et s’ennuya d’une vie restreinte dans tous les sens, à laquelle il n’était plus habitué. Il avait pris goût aux voyages et repartit bientôt pour l’Espagne, qu’il n’avait pas explorée à son gré ; de là, il passa en Afrique, et, quand il fut au bout de sa petite fortune, il retourna à Paris, où il chercha un nouvel emploi. Le hasard ne le servit point ; il ne trouva que de minimes fonctions dans les bureaux de diverses administrations, et dut se résigner à mener la vie maussade qu’il connaissait trop, travaillant pour vivre, et se demandant pourquoi vivre quand on ne peut arriver qu’à une existence incolore, triste et fatiguée.

La mort subite de son père, après une maladie de langueur sans symptômes alarmants, le ramena auprès de sa vieille mère, au fond des vallons déserts de la Gouvre.