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— Eh bien, connaissez-le, s’écria Nouville, qui avait surmonté sa timidité des premiers moments et qui montrait le fonds d’énergie et de sensibilité de sa généreuse nature ; oui, madame, connaissez-le, et vous ne le traiterez plus comme un petit garçon.

— Je vous répète, dit Adda, que, ne sachant pas la langue des dieux, je ne peux ni le connaître ni l’apprécier à première vue.

— Comme artiste, c’est possible, répliqua Nouville avec feu, et peu importe ; mais comme homme… Tenez, je vais vous le faire connaître. D’abord, c’est le meilleur ami qui existe !

— Nous voyons bien, dit-elle, que vous l’aimez beaucoup.

— Oui, je l’aime, car je lui dois tout. J’avais déjà passé la première jeunesse, car j’ai quarante ans bientôt, et je vivais misérablement de quelques leçons. J’étais resté inconnu par timidité et par doute de moi-même ; c’est Abel qui m’a découvert, prôné, protégé, produit. Il m’a donné de la célébrité, de l’aisance, de la confiance en moi-même ; enfin il m’a donné… tenez ! cet instrument qui est ma vie, ma voix, ma parole, l’expression, de mon âme…

— Et qui a coûté soixante mille francs, dit Adda.

— Vous le savez ? Eh bien, oui, c’est lui qui me l’a donné. Cherchez dans le monde un ami qui, vivant au jour le jour de son travail, trouve avec joie