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promise et surtout de me la faire entendre, supplia Abel de revenir vite, et, s’approchant d’Adda, il la gronda doucement de ses sarcasmes. Je parlais avec Nouville pour qu’il n’entendît pas la réplique un peu vive de ma sœur, mais elle tenait à se faire entendre.

— Sarah, me dit-elle en élevant la voix, viens à mon secours ! Voilà papa qui me tance vertement parce qu’il me trouve trop familière avec M. Abel. Il me semble que c’est M. Abel qui a rompu le premier la glace des convenances, et qu’il est fort aise de me voir sauter par-dessus la brisure. — Monsieur Nouville, vous qui me faites l’effet d’un homme sérieux, quoique musicien, est-ce que vous ne pensez pas que votre ami a horreur des cérémonies et des airs guindés, et qu’il n’est revenu ici ce soir que dans l’espérance d’en être tout à fait dispensé ?

— Madame, répondit Nouville, puisque vous me faites l’honneur d’en appeler à ma gravité, je vous répondrai que, si vos aimables jeux d’esprit couvrent une sympathie bienveillante pour Abel, votre gaieté le rend très-heureux ; mais il est pénétrant, je vous en avertis, et, si vous y mettez de l’amertume, il s’en aperçoit fort bien.

— Pourquoi y mettrais-je de l’amertume ? reprit Adda. Je ne le connais pas et ne lui veux pas de mal ; mais, n’étant pas musicienne, par cette même raison que je ne le connais pas, je ne suis pas forcée d’avoir pour lui la moindre sympathie.