Page:Sand - Malgretout.djvu/73

Cette page n’a pas encore été corrigée

passion. À coup sur, après avoir dormi là-dessus, il n’en avait pas le moindre souvenir, et il fallait que je fusse prude comme une gouvernante anglaise pour ne pas l’avoir oublié la première.

Je descendis de bonne heure pour m’occuper du ménage comme à l’ordinaire ; j’allai au jardin avec Sarah pour cueillir les fleurs et les fruits. Personne ne bougea dans la maison. Mon père était parti avec le jour pour tuer quelque gibier dans ce beau vallon boisé que nous appelions la forêt. Ma sœur ne descendait pas encore au déjeuner ; on ne lui permettait pas encore de quitter son appartement avant le soleil de midi. J’allai savoir de ses nouvelles ; sa femme de chambre me dit qu’elle avait mal reposé dans la nuit, et qu’elle regagnait maintenant le temps perdu. À dix heures, on sonna le déjeuner ; à dix heures et demie, au second coup de cloche, mon père qui était fort exact, vint pour se mettre à table. On avait averti M. Abel, il ne descendait pas. Nous attendîmes un quart d’heure, puis mon père monta chez lui. Il le ramena assez longtemps après ; le déjeuner était froid, et j’en pris un peu d’humeur. Je trouvais notre hôte fort mal élevé. Il parut enfin, habillé à la hâte, les yeux éteints et comme bouffis de sommeil.

— Je serais impardonnable, me dit-il, s’il m’était possible d’être organisé comme tout le monde ; mais il s’agirait de me sauver d’une maison qui brûle, qu’en de certains moments je ne le pourrais