Page:Sand - Malgretout.djvu/69

Cette page n’a pas encore été corrigée

tions ! S’il ne les aimait pas avec passion, il manquerait de passion pour nous émouvoir et nous charmer. Le prédicateur éloquent est un artiste aussi. Lui est-il interdit de chercher le triomphe de sa parole quand elle exprime une croyance ardente ?

J’objectai à mon père que, dans les professions sérieuses, le citoyen se retrempait dans la vie pratique, dans les devoirs de la famille. Il sourit.

— Je ne sais, me dit-il, ce que vous avez aujourd’hui contre les artistes. Croyez-vous, avec les bourgeois à préjugés, qu’ils ne peuvent pas être bons époux et bons pères ? Devenez-vous provinciale, ma bien-aimée Sarah ? ou ce pauvre Abel vous a-t-il mortellement déplu ? Je regretterais de vous l’avoir présenté. Pourtant il me semblait que tout à l’heure vous l’écoutiez avec autant d’émotion et de ravissement que moi-même.

— Mon père, repris-je, tout ce que vous faites est bien. Je ne doute pas que M. Abel ne soit un parfait ’honnête homme, même très bienfaisant et très-digne. Je me souviens d’avoir entendu dire cela toutes les fois qu’on a parlé de lui devant nous. Je sais bien que, si vous ne vous fussiez rappelé sa bonne réputation, vous ne l’eussiez point amené chez vous.

— Chez moi, c’est-à-dire…

— Chez vous, je le maintiens, c’est convenu.