Page:Sand - Malgretout.djvu/335

Cette page n’a pas encore été corrigée

lettre de mademoiselle d’Ortosa, j’avais cessé de voir cette cruelle femme. Je ne songeais plus à elle, je le lui avais dit ; elle savait que je ne la reverrais jamais et qu’elle ne pourrait rompre mes liens avec vous. Je n’avais pas d’efforts, pas de sacrifice à faire pour revenir à vous ; mais j’étais coupable, oui, oui, très-coupable de m’être laissé entraîner par la curiosité, l’amour-propre et le dépit, à revoir cette femme dangereuse et violente. J’aurais dû deviner qu’elle me perdrait auprès de vous. J’ai donc accepté mon arrêt, mais avec une telle douleur, que je me suis senti comme rejeté violemment hors de la vie d’émotion que j’avais menée jusque-là. J’ai senti comme un besoin impérieux de solitude et d’oubli de tout ce qui était moi. J’ai voulu que Nouville fût témoin de mon deuil. Au lieu d’aller en Italie, je me suis établi à la campagne auprès de lui, tout seul dans une maisonnette que j’ai louée, où je n’ai voulu recevoir personne. J’ai serré mon violon, je n’y ai pas touché depuis trois mois. Il dort, il n’a rien à dire tant que mon cœur restera enterré. Nouville vous dira comment j’ai vécu et si j’ai seulement regardé une femme. Je voulais m’éprouver, me connaître, savoir si j’étais une bête brute esclave de ses sens ou un malheureux que l’excitation de l’art et du succès jetait en pâture aux chimères et aux monstres. J’ai découvert en moi l’homme doux et tendre que je savais être, mais qui m’échappait toujours, et dont je sais à