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bonnes fortunes, quelque soin qu’il prît de les nier. J’étais donc très-inquiète d’Adda, qui était légère, et qui, tout en copiant de son mieux le ton dégagé de mademoiselle d’Ortosa, était bien loin de posséder la force et l’habileté qui ne lui avaient pas suffi. Mon père n’était pas moins tourmenté que moi. Nous allâmes deux fois au Francbois pour la surveiller et ne fîmes que l’exaspérer. Elle affectait devant nous plus d’excentricité encore, se liait avec les femmes les moins sérieuses et se faisait escorter par les godelureaux les plus fâcheux. Elle plaisait à lord Hosborn, cela était bien visible. Elle l’amusait, elle secouait sa mélancolie britannique. Elle gouvernait la vieille lady, qu’elle appelait maman, et qui se laissait prendre à ses chatteries. Dans tout cela, il n’était pas question de mariage, et nous revenions chez nous, mon père et moi, tout soucieux et tout honteux, craignant d’avoir laissé paraître nos anxiétés et d’avoir l’air de bonnes gens bien plats qui travaillent à faire arriver leur famille sans savoir s’y prendre.

Un jour, au lendemain d’une de ces tristes campagnes, j’étais occupée à lire les journaux à mon père. Sarah jouait en se roulant dans les plis de ma robe, et le baby s’était endormi sur mes genoux. Il y avait ce jour-là juste un an qu’Abel m’était apparu aux Dames de Meuse, jouant l’air de la Demoiselle, et j’avoue qu’en contemplant cette date sur le journal je ne pensais pas beaucoup à la