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d’Ortosa, toute vêtue de blanc avec recherche, belle encore de tournure et de lignes, mais effrayante de maigreur et livide. Elle marchait lentement, avec une sorte de majesté étudiée, et sa forme élancée, reflétée dans le bassin, semblait être l’objet de sa préoccupation. Je m’éloignai du bord pour la laisser passer. Elle s’arrêta, me reconnut et me dit :

— Bonjour, miss Owen. Vous voilà enfin ! Vous avez bien tardé à venir m’offrir vos félicitations ! Je les accepte. Je ne vous en veux pas. Que désirez-vous ? Je suis prête à vous l’accorder.

Je compris qu’elle se croyait reine, et la saluai sans lui répondre. Elle me retint en s’écriant :

— Pourquoi voulez-vous fuir ? Vous me trahissez ! Oui, tout le monde trahit celle qui est là ! Elle me montrait le bassin d’un geste théâtral avec des yeux étincelants. Je n’ai jamais eu peur de ceux qui souffrent. Je lui pris la main avec autorité et l’éloignai du bassin.

— Celle qui est là, lui dis-je, c’est le reflet, c’est le rêve. Vous, vous n’êtes pas reine, vous êtes mademoiselle d’Ortosa, dont personne ne veut se venger.

— Pas même vous ? dit-elle en paraissant recouvrer toute sa lucidité. Avez-vous épousé Abel ? êtes-vous heureuse ?

— Je suis calme, je n’ai épousé personne.

Elle mit ses deux mains sur son visage, et, comme elle paraissait m’avoir oubliée, je voulus