Page:Sand - Malgretout.djvu/283

Cette page n’a pas encore été corrigée

engrenées beaucoup de vertus faciles à démasquer ; mais je ne démasque personne, il m’est plus utile de savoir.

» Je ne le trouvais pas beau malgré son grand charme et une certaine noblesse d’allures en public. La distinction, qui est plus rare que la majesté, lui manquait ; je fus surprise de trouver à Nice qu’elle lui était venue. Il se tenait mieux, il paraissait moins artiste, et il avait pourtant fait de merveilleux progrès dans son art. J’observe tout, et ma passion est de savoir la raison des choses. Je me demandai si l’amour avait passé par là ; je me rappelai l’aventure de Nouzon ; je remarquai qu’Abel recherchait beaucoup votre père et ne fuyait pas votre sœur. Je l’abordai du regard. Je ne vis pas dans le sien cette ardente curiosité que j’y avais rencontrée autrefois,et dont je m’étais détournée comme d’une impertinence. Abel n’était plus frissonnant à l’approche d’une femme, même d’une femme comme moi, qui bouleverse toutes les têtes. Il commença à m’intéresser. Un viveur, un effréné tel que lui, épris d’une puritaine telle que vous, ce devait être un chapitre curieux dans mon étude de la vie humaine et des mœurs modernes.

» Je le tâtai délicatement ; je vis qu’il était méfiant et qu’il ne fallait ni lui prononcer votre nom, ni essayer de le confesser. Je n’avais plus qu’un moyen de mesurer la puissance de son sentiment pour vous, c’était de lui plaire, afin de voir si la