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même. Je lavai sa main blessée, cette main si précieuse et si habile dont il ne voulait pas s’occuper, et que je pansai avec mon mouchoir. Je lui dis que j’attendrais sans dépit et sans effroi jusqu’au lendemain, que je me fiais désormais à sa parole, qu’il fallait accepter un événement dont il n’avait pas prévu les conséquences, et dont je n’avais pas sujet de m’affecter puérilement, dès que, de sa part et de la mienne, il devenait involontaire.

Je demandai une chambre pour me reposer, car j’étais brisée de fatigue. Il était minuit, et nos vieilles hôtesses n’étaient pas contentes de veiller si tard pour attendre notre décision. Pendant qu’on préparait ma chambre, Abel me remercia avec ardeur de ce qu’il appelait ma bonté.

— Oui, la bonté, disait-il, voilà votre force à vous ! la douceur, le pardon inépuisable, cet éternel sourire d’une âme toujours prête à s’oublier pour consoler et guérir ! Vous êtes mon dieu, Sarah, ne m’abandonnez pas ; à chaque minute, je vous aime davantage. Je vous jure que je me sens mourir à l’idée de vous perdre !

L’hôtesse entra pour demander s’il nous fallait deux lits. Je n’avais pas prévu celte question d’une candeur brutale, qui me fit monter le sang au visage.

— Je ne passe pas la nuit ici, répondit Abel.

Et il ajouta en s’adressant à moi :

— J’ai aperçu dans le village une usine dont le travail de nuit m’intéresse, j’irai m’y réchauffer, et