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— J’y consens, répondis-je ; mais laisse-moi te dire…

— Du mal de lui ? reprit-elle en fondant en larmes. Je ne veux pas ! Je sais que tu le hais, et, à présent surtout qu’il renonce à toi sans regret échevelé, tu vas me dire qu’il est sans cœur et sans conscience. Je ne t’écouterai pas, ne me dis rien. C’est atroce de se trouver en rivalité avec sa sœur !

J’étais confondue, désolée de voir naître une inclination inspirée peut-être par un premier instinct de jalousie dans une jeune âme sans lumière. J’essayai vainement de l’éclairer, elle me ferma la bouche en me disant que je n’avais pas le droit de juger M. de Rémonville et que je ne pouvais pas être impartiale pour lui.

Cette funeste passion fit en elle des progrès rapides, et, bien que mon père n’eût pas une confiance illimitée dans le caractère de M. de Rémonville, il dut céder et remettre l’avenir aux mains de la Providence. M. de Rémonville fit sa demande et fut agréé. Il lui eût été facile alors, pour assurer son mariage et pour s’emparer désastreusement de l’esprit de ma sœur, de persuader à celle-ci que j’avais du dépit contre elle. Je ne crois pas qu’il y ait songé. C’était une nature sans grandeur véritable et beaucoup moins chevaleresque qu’elle ne cherchait à le paraître ; mais ce n’était point une âme vile, et je pense même que, soit par vanité, soit par inspiration, elle était alors capable de bons