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devoir donner à son ami une leçon salutaire. Il lui avait envoyé à Nice la dernière lettre que je lui avais écrite et où, rappelant l’aventure de Lyon, je lui disais : « J’en suis venue à pardonner même cela, et je vois bien que je pardonnerai tout, car il s’agit de le sauver, et je m’y dévoue, dussé-je mourir à la peine. » Abel avait quitté Nice à l’instant même. Il était venu me chercher à Malgrétout, et, ne m’y trouvant pas, il avait su où j’étais et m’avait suivie. Me voyant effrayée de son approche dans la grotte, où un petit berger l’avait guidé, il avait attendu que nous fussions sortis de ces dangers pour me parler.

Quand je vins à bout de comprendre ce qu’il me disait, nous étions encore assis sous le majestueux portique de la grotte, en face de ce miroir du lac qui en reflétait l’arcade festonnée de verdure. Il pleuvait ; Abel avait envoyé Elisabeth chercher la voiture. Le batelier était retourné à son poste dans la caverne. Nous étions seuls.

Abel me parlait en tenant mes mains. Comme cet illettré, ce muet épistolaire savait dire avec l’éloquence du cœur ce qu’il voulait dire ! Il me jurait et me prouvait presque que la Settimia n’avait jamais été pour lui qu’une associée de rencontre ; la version de Nouville était la vraie. Si j’étais restée un instant de plus, j’en eusse été convaincue. Il avait été si près de moi et il ne l’avait pas su ! Il ne m’avait pas devinée à travers cette cloison qui