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qui grandissait rapidement, et qui devint un clair de lune, puis une aube, puis une splendide grotte d’azur. Le lac, en se resserrant, se remplit des reflets énormes de la voûte, et ce miroir, d’une immobilité extraordinaire, apparut comme un abîme sans eau où la barque allait se briser et se perdre dans des profondeurs hérissées de rochers monstrueux. Je me demandais très-naïvement comment nous franchirions ce gouffre, quand la grotte d’azur devint un foyer ardent dont les yeux pouvaient à peine supporter l’éclat. C’était le jour, et le jour terne, car il pleuvait dehors. Qu’est-ce donc que ce foyer d’irruption de la lumière dans le crépuscule, quand le soleil est de la partie ?

J’étais si éblouie, que je ne pouvais sortir de la barque et ne voyais pas le magnifique portail de rocher qui s’ouvrait sur la verdure extérieure. Cette verdure me semblait incandescente ; quelqu’un me donna la main et me fit asseoir sur un banc auprès duquel était la petite pièce de campagne qu’on se hâtait de charger. Le coup partit. Je ne l’entendis pas. Quelqu’un qui craignait pour moi la commotion trop violente m’avait entourée de ses bras en me disant tout bas : Sarah ! C’était Abel ! Le cri de surprise qui m’échappa fut sans doute couvert par la terrible détonation. Je ne la ressentis aucunement ; mon être avait subi une secousse autrement profonde.

Nouville ne m’avait pas tenu parole. Il avait cru