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J’aimais mieux être seule. Je me fis indiquer le chemin, et j’entrai dans un vallon étroit et frais, coupé de rochers et de bouquets d’arbres, qui côtoie la montagne où les grottes sont enfouies. Ce paysage inculte est ravissant. La Lesse s’y étale dans des déchirures verdoyantes qu’elle inonde au printemps. J’arrivai par de délicieux sentiers à la bouche de pierre noire où elle se glisse avec un sourd et frais mugissement. Il me vint à l’esprit une de ces comparaisons auxquelles nous porte la tristesse. Ma vie n’était-elle pas faite à l’image de ce ruisseau, qui, lassé de se promener dans une solitude charmante et de refléter le ciel dans son eau tranquille, rencontrait un abîme et s’y jetait aveuglément pour s’égarer dans l’inconnu, au risque de s’y perdre et de ne jamais revoir la lumière ? Tout en philosophant sur moi-même et en comparant ce gouffre à mon malheureux amour, je fus prise d’une ardente curiosité de m’élancer aussi dans l’inconnu, et je cherchai un sentier qui me permît d’entrer avec le torrent dans l’abîme.

Il n’y en avait pas. La Lesse remplissait toute la voûte où elle disparaissait. Une jeune fille, sortant des buissons, vint à moi en courant, et me demanda si je voulais voir les grottes.

— On prétend, lui répondis-je, que ce n’est pas possible.

— Ce n’est pas possible par là, reprit-elle ; mais par l’entrée, plus haut, si le cœur vous en dit ?