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monde et le bruit, et j’avais toujours accompli mes sacrifices dans l’espoir de lui conserver les moyens de satisfaire ses goûts autant que possible. Je ne devais pas trouver étrange qu’au sortir de son deuil elle voulût fuir la retraite où je voulais, moi, qu’elle prît le temps de la réflexion. Je la voyais m’échapper, travailler du moins à rompre d’avance les mailles du filet, et je devais souhaiter qu’elle ne fût pas longtemps sans se remarier, car le pire eût été pour elle de devenir coquette et d’acquérir, dans cette triste voie, la triste réputation de mademoiselle d’Ortosa. Je résolus donc de ne pas entamer une lutte inutile pour la détourner du courant ; mais je m’inquiétais beaucoup de l’avenir de ses enfants. Quelle éducation pouvait leur donner une mère décidée à vivre dans des réunions comme celles du château du Francbois ? Le garçon irait au collège, mais ma bien-aimée petite Sarah me serait-elle laissée ? Adda, qui avait le délire aristocratique et nobiliaire du jour, bien que nous fussions de souche parfaitement bourgeoise, ne me regarderait-elle pas comme déchue, si je venais à épouser un artiste ? Elle avait paru revenir de ses préventions contre Abel ; mais, sous l’influence nouvelle qu’elle subissait, n’allait-elle pas les reprendre ? Elle avait vu Abel à Nice ; d’où vient qu’elle ne m’en avait rien dit ? Était-ce par excès de dédain ?

Le jour fixé pour ma seconde entrevue avec mademoiselle d’Ortosa, je partis de bonne heure à