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être tant pis pour lui ; donc, les reproches seraient une rigueur gratuite que je lui épargne.

— Oh ! oui, oui ! c’est tant pis pour lui, miss Owen ! Des reproches et votre pardon, voilà ce qui pourrait encore le sauver.

— Je vous répète, mon ami, que je n’ai rien à pardonner. Je n’avais rien exigé. Je le mettais à l’épreuve, et, s’il fût revenu au bout de l’année, je n’aurais jamais demandé compte de rien. J’aurais volontairement et fièrement ignoré dans quelles chutes il aurait cherché et trouvé la conscience de son véritable amour. Je me mettais à l’épreuve aussi, moi. Je voulais savoir si son absence me serait insupportable, j’étais certaine du moins que son retour me comblerait de joie. Tout cela était aussi raisonnable que peut l’être un entraînement romanesque ; mais la destinée en a ordonné autrement. Je n’avais pu prévoir que je verrais de mes yeux, que j’entendrais de mes oreilles ce que j’ai vu et entendu. Que mon fiancé n’eût pas fait vœu de chasteté durant une année d’absence, je l’admettais. Cela m’était venu plus d’une fois à la pensée. Je ne voulais pas approfondir ; cela ne me regardait pas. Mon imagination ne me représentait aucune scène contraire à la pudeur qui ferme mon étroit horizon ; mais, quand ces vagues fantômes, chassés d’un esprit chaste, prennent corps, et vivent, et parlent devant moi… non, je ne peux plus aimer Abel ! Tous les