Page:Sand - Malgretout.djvu/19

Cette page n’a pas encore été corrigée

contrastaient désagréablement avec un air et un ton d’impertinence faussement aristocratiques ; mais le respect que je devais à une première ouverture faite par mon père m’empêcha de me prononcer brusquement. Je répondis que j’examinerais le personnage, c’est tout ce que me demandait mon père.

Le soir qui suivit ce court entretien, Adda me fit beaucoup de peine.

— Je vois bien, me dit-elle, que tu vas te marier, que tu en as le désir et l’intention, et qu’il en sera de toi comme de Mary Clymer. Aujourd’hui, tu as vu M. de Rémonville ; demain, tu l’examineras après-demain, tu l’aimeras, et tu n’aimeras plus ni père, ni sœur. Tu seras toute à l’étranger, au fiancé, au ravisseur, à l’ennemi de la famille. Tu t’en iras, tu ne nous écriras plus que pour nous parler de ce monsieur, et des enfants et des nourrices, ou des voyages et des plaisirs pris avec délices loin de nous et sans nous. Enfin te voilà perdue, morte pour moi ; je vais me trouver seule au monde, car notre père est encore jeune, et Dieu sait s’il ne songera pas à se remarier.

En disant cela et bien d’autres paroles exaltées et injustes, ma pauvre Adda fondit en larmes, brisa son peigne d’écaillé en le jetant sur la toilette, et, toute couverte de ses beaux cheveux dorés, vint enlacer ses bras à mon cou en me jurant que, si je me mariais, elle se donnerait la mort ou deviendrait folle.