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La voiture se dirigeait vers l’hôtel. Elle s’y arrêta. Les gens de la maison sortirent aussi avec des torches pour le recevoir. Il eut peine, lui, à sortir de sa voiture, on l’entourait, on l’étouffait, tous voulaient lui serrer la main. J’entendis qu’on lui criait : La Demoiselle ! la Demoiselle ! encore la Demoiselle ! Il s’exécuta de bonne grâce et promit de la jouer sur son balcon, quand on lui permettrait de rentrer chez lui. Ses paroles accentuées arrivaient nettes à mon oreille. Il entra, suivi d’une douzaine de personnes des deux sexes, et, cinq minutes après, il était sur le balcon du premier étage, juste au-dessous de moi, avec ces personnes, qui semblaient ne devoir pas le quitter. La foule attendait sur la place. Abel prit son violon, préluda un instant et joua mon air, la Demoiselle, avec un sentiment exquis. Il l’avait mis en variations, il en joua deux, et fut applaudi avec transport. Je crois qu’il y avait là quatre mille personnes au moins, qui se taisaient comme charmées, et ne perdaient pas la plus fine nuance de l’exécution merveilleuse. On criait : Encore, encore ! — Il demanda grâce, déclara qu’il n’en pouvait plus, qu’il mourait de faim et réclamait la permission de souper. Il remercia son public, qui l’acclama longtemps et s’écoula à regret. Il était rentré sans fermer la croisée, et j’entendais sa voix vibrante crier aux garçons :

— Du bon vin surtout, et beaucoup !