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atteindre que mon amour-propre, avait-elle pénétré jusqu’au fond de mon être ? Quel mystère était-ce là ? Étais-je tourmentée par une trop longue et trop complète chasteté ? N’avais-je plus la force de vaincre en moi ce besoin de floraison qui n’est absolu que pour les plantes, et que la volonté anéantit chez les êtres intelligents aux prises avec les devoirs sociaux ? Je rougissais plus encore à cette idée d’une révolte de mes sens, et ma haine contre moi s’en exaltait d’autant.

Voilà ce que je me disais au commencement de mon épreuve. À présent, je suis plus calme, et ma vie me paraît moins dramatique. Je me rends mieux compte de moi-même et de l’ingénuité ridicule peut-être, mais irrésistible de mon caractère. J’ai aimé Abel pour son regard curieux et son sourire enfantin. Je suis sûre qu’il n’y a pas eu d’autre cause à la soudaineté de mon entraînement vers lui. Il a beau être un homme fait et robuste ; la première impression que sa physionomie produit sur tout le monde, c’est qu’il a l’air d’un enfant et que son âme doit répondre à sa physionomie. Mon âme, à moi, a tellement contracté l’habitude de la maternité qu’elle s’est égarée dans l’amour sans perdre son pli. J’ai la certitude désormais que, si Abel a besoin d’une mère, il ne saurait rester longtemps absorbé par la tendresse, vu que la passion lui est bien plus nécessaire. Je ne saurais la lui donner, et il faut que je me résigne à être ce que je suis.