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rien des bourrasques qui s’engouffrent parfois dans l’étroit chenal des Dames de Meuse pour se résoudre en vent glacé sur les collines de Laifour. De l’autre côté de la rivière, le moindre renfoncement dans la base de la montagne voit passer ces ouragans sans les ressentir. Le vallon, creusé derrière nous et protégé de tous côtés par de hautes pentes boisées, est une véritable oasis, et déjà les scilles et les narcisses poussent de grandes feuilles au fond desquelles apparaît un petit bouton. Sur les hauteurs, quelques plaques de neige résistent encore ; sur la terrasse de mon jardin, des papillons jaune-citron voltigent à midi, et rentrent le soir dans la cachette où ils ont pris leurs mesures pour passer l’hiver.

J’ai été à Nice autrefois avec ma pauvre mère, réellement phthisique. Je me souviens d’un pays splendide, d’un ciel éclatant, d’une mer transparente ; mais l’air vif, le printemps bouleversé à tout instant par des vents terribles et cruellement froids, avaient empiré l’état de notre chère malade. Heureusement, Adda n’est nullement menacée du même mal ; mais Sarah est bien délicate pour cette épreuve, et je me reproche de ne l’avoir pas gardée !

Comment vous dépeindre et vous faire comprendre, ma sage et douce amie, ce qui, depuis six semaines de solitude absolue, s’est passé en moi ? Un sentiment trop puissant pour mon organisation a tout troublé. Je n’ai plus de logique, plus de suite dans ma volonté, plus de soumission à la volonté