Page:Sand - Malgretout.djvu/173

Cette page n’a pas encore été corrigée

sans querelle depuis son veuvage. En me quittant, elle me montra beaucoup d’affection, et m’offrit de me laisser les enfants. Je refusai à cause de mon père, qui ne s’éloignait pas sans effort, et qui se consolait avec les gentilles caresses de Sarah. D’ailleurs, pour la première fois de ma vie, j’éprouvais le besoin maladif d’être seule. Sarah me forçait à me montrer toujours calme et souriante. Je sentais que le déchirement de me séparer pour la première fois de cette enfant me ferait beaucoup de mal, et je voulais ajouter ce mal aux autres. Quand je l’eus vue partir avec mon bien-aimé père, un cri s’éleva dans mon âme :

— À présent, je pourrai pleurer !

Et à présent, mon amie, voilà que pour la première fois de ma vie je suis seule. Janvier vient de finir, et déjà, il y a par moments dans l’air comme un avant-goût des senteurs du printemps. Le climat de Malgrétout, calomnié par ma sœur, est d’une douceur extrême. Ces rivages encaissés de la Meuse offrent une grande variété de température selon leur exposition et en raison des accidents prononcés du terrain. Les habitants de Revins disent en montrant les hauteurs de Rocroi et celles de Malgrétout : « Quand ils ont l’hiver là-haut, nous avons ici le printemps. » Les résidents du parc de Malgrétout, situé de l’autre côté de la montagne dans un encaissement bien abrité, peuvent dire la même chose pour leur compte. Ils ne reçoivent