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en moi, j’étais seule à Malgrétout. Adda, après avoir supporté trois mois de séquestration avec impatience, avait décidé mon père à la conduire à Nice. Elle n’était pas réellement malade, mais elle venait à bout de nous inquiéter par ses plaintes, et il avait fallu céder à sa fantaisie obstinée de voir du monde et de prendre du mouvement. Elle avait voulu emmener les enfants, espérant que ma tendresse pour eux me déciderait à la suivre. J’avais eu le courage de résister. Son absence ne devait être que de deux mois, et les soins de ma gestion exigeaient que l’un de nous restât. D’ailleurs, je me sentais beaucoup plus malade qu’Adda, et j’étais en proie à ce découragement qui fait désirer d’être plus triste encore pour être plus accablé. On s’imagine qu’on trouvera l’oubli dans l’excès du mal.

Ma tristesse, que j’attribuais à une névralgie dans la tête, mal que je n’éprouvais pas et qui me servait à cacher la cause morale d’un dépérissement général, avait donné à ma sœur la première idée de ce voyage à Nice. C’était pour moi, disait-elle, qu’elle voulait y aller. Quand elle me vit bien décidée à ne pas me déplacer, elle découvrit qu’il lui était indispensable d’y aller pour son compte.

Comme depuis longtemps elle ne parlait plus des artistes ni en bien ni en mal, qu’elle savait par les journaux le départ d’Abel pour des pays lointains, et qu’elle avait cessé de croire que son passage eût marqué dans ma vie, nous avions vécu