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toujours : En avant, en avant ! je sens que je tomberais mort. »

Je fus deux mois entiers sans recevoir aucune nouvelle. Je crus qu’ils avaient péri, et je me sentais mourir un peu chaque jour. Je ne leur écrivis plus, ne sachant où ils étaient. Enfin les journaux m’apprirent qu’on les attendait à Moscou. Nouville m’écrivit : « Abel est bien portant, il n’est pas même fatigué ! Moi, je suis malade, brisé. Je me repose un peu, et je vais tâcher de me refaire en Italie avant de rentrer en France. Abel n’a pas besoin de moi ici, et, quoi qu’il dise pour me retenir, je craindrais de lui être plus embarrassant qu’utile. »

À partir de ce moment, je n’eus plus de nouvelles de mon fiancé que de loin en loin par les journaux. S’il m’écrivit quelques mots, je ne les reçus pas. Je pensai qu’il ne recevait pas non plus mes lettres. Je cessai d’en envoyer. Au printemps, Nouville me fit savoir qu’il était à Paris, malade encore, mais sans danger. Abel continuait en Russie ses voyages et ses triomphes, il reviendrait par la Suède et le Danemark.

Il reviendrait ! Reviendrait-il pour moi ? Pas un témoignage de souvenir désormais ! Tout semblait oublié, rompu. Notre mutuelle affection, nos projets, nos promesses, n’avaient peut-être plus d’existence que dans mon cœur brisé. Je n’avais pas prévu cette impossibilité maladive d’écrire, même