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Nous savions que ses impressions, violentes au début, s’effaçaient vite, et nous ne pouvions exiger qu’elle regrettât profondément l’homme qui l’avait si lâchement et si obstinément trompée. Pourtant ma délicatesse intérieure souffrit un peu de la facilité avec laquelle l’enjouement et la frivolité reparurent après une crise qui avait menacé sa raison. Il y a toujours, ce me semble, quelque chose à pleurer dans l’homme que l’on ne peut plus aimer : c’est justement celui qu’on a aimé en lui, en qui l’on a eu foi, qui a possédé votre âme et tout votre être. Celui-là était, il est vrai, la création de votre enthousiasme, un fantôme ; mais le cœur est d’autant plus déchiré qu’il s’est plus abusé. Le prompt et complet oubli de ma sœur me donnait à croire qu’elle n’avait jamais aimé Rémonville, et qu’elle s’était mariée, comme tant d’autres, pour se marier.

Les convenances exigeaient que notre vie restât très-retirée et très-renfermée durant son deuil. Elle se plaignit vite de l’ennui et fit des projets pour l’hiver qui s’approchait. Nous ne pouvions pas, selon elle, nous enterrera jamais dans ce pays sauvage. C’est alors que mon père, qui s’occupait de la liquidation de sa fortune, et qui avait fait un second voyage à Paris pour s’éclairer complètement, lui apprit qu’il ne lui restait plus assez de revenu pour mener le train auquel elle était habituée, et qu’il fallait beaucoup en rabattre.