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à vous comme témoin, si mes quatre-vingt-douze ans ne vous font pas douter de mon énergie et de ma lucidité.

» Abel avait à peine eu le temps d’accepter avec reconnaissance, lorsque M. Cléville entra d’un air effaré. Ce personnage est celui qui l’avait autrefois attiré chez la Rochetal, et à qui il avait vivement reproché son intimité avec cette femme, et surtout avec son amant ; c’est lui qui avait appris à Abel par qui les dettes de la maison étaient payées.

» — Tu sais, lui dit Abel dès qu’il le vit, que je ne t’estime plus, et que, si tu viens comme témoin du Rémonville, je te récuse.

» — Ne m’accable pas, répondit le malheureux Cléville ; je suis comme fou ; je viens te voir malgré moi, sans trop savoir pourquoi. Je viens d’assister à un drame horrible. Rémonville vient de se brûler la cervelle !

» Quand nous fûmes revenus de la première stupeur, il nous raconta que, n’ayant pas assisté à la soirée de la veille, il ne savait rien. Il était à la campagne. Sur un billet pressant de Rémonville, il était accouru à Paris, vers midi. Il avait trouvé Rémonville dans son cabinet, occupé à faire une sorte de testament. Rémonville voulait se battre avec Abel ; il avait écrit à deux amis, qui refusaient de lui servir de témoins : il sentait son déshonneur mis à jour et se plaignait amèrement des hommes