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Je lui tournai le dos et allai m’enfermer dans ma chambre, où je me trouvai mal. Ces scènes violentes, ces accès d’énergie fébrile n’étaient pas mon fait. Je serais morte si elles eussent dû se renouveler souvent.

Jusqu’au soir je me sentis faible, comme si l’on m’avait battue ; je ne voulais pas montrer mon émotion, qui eût trahi mon peu de courage réel. L’idée de voir partir brusquement ma pauvre sœur et d’être à jamais séparée de ma chère petite Sarah me déchirait la poitrine. J’avais une toux convulsive, et les sanglots m’étouffaient sans que mes larmes pussent couler. Si mon indigne beau-frère m’eût vue ainsi, il eût compris qu’il pouvait tout sur moi. Heureusement, il me crut plus vaillante. Il supposa que je puisais dans un amour nouveau la force du bonheur égoïste. Il ne songea plus à me torturer, et s’adressa dès lors à sa femme. Elle m’a raconté ce qui se passa entre eux.

Il commença par lui demander pardon de son dépit de la veille, et lui jura qu’il ne lui faisait pas l’injure d’être jaloux d’un M. Abel ; puis il parla d’autre chose, et lui fit part du beau projet d’affaires dont il m’avait entretenue. Il désirait sa signature pour opérer le déplacement d’une partie de sa fortune, dont il ferait le remploi avantageux. C’était la première fois qu’il touchait ostensiblement à la fortune foncière de sa femme. Tout ce qu’il avait pu mobiliser en se passant de son adhé-