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— Eh bien, et le concert ? m’écriai-je stupéfaite.

— Il va son train, répondit-il gaiement, il va même fort bien. Il y a trois fois plus de monde que la salle n’en peut contenir ; on y étouffe. Votre père et votre sœur sont là, tout près de la scène. J’ai déjà joué mon solo et un duo avec Nouville. Votre père, qui sait fort bien pénétrer dans les théâtres, est venu me complimenter. Il m’a dit où vous étiez, et qu’à cause de la petite fille vous n’aviez pas voulu venir jusqu’à la ville. À peine m’avait-il quitté, que j’ai calculé le temps qu’il me fallait pour venir ici et m’en retourner : une demi-heure ! L’entr’acte des deux parties du concert durera ce temps-là. Nouville jouera ensuite un concerto qui durera dix minutes ; après, on chantera. J’ai donc une demi-heure à vous consacrer, c’est-à-dire que j’ai trois quarts d’heure devant moi avant de reparaître devant le public, à moins que vous ne me chassiez tout de suite.

La joie, la reconnaissance et la crainte se combattaient en moi. L’image de ma sœur se mettait toujours entre moi et le bonheur ; il était impossible que cette course en chemin de fer, au beau milieu d’une solennité musicale qui mettait sur pied tous les habitants du pays, ne fût pas l’objet immédiat ou prochain de tous les commentaires, et que ma sœur ne fût pas tôt ou tard informée de l’aventure.