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« J’aime mieux ne pas vous voir, » ne devait-il pas me tenir compte de ma fermeté et s’expliquer mon absence ?

Tout en jouant, Sarah m’avait entraînée dans une prairie terminée par un petit bois. Nous y trouvâmes un ajoupa de bûches et de roseaux que le pasteur Clinton avait fait récemment construire sous un bouquet de grands sorbiers. L’enfant entra dans cet ajoupa, s’amusa avec des coquillages qu’elle y trouva, et, s’étendant sur le banc qui en garnissait le fond, elle s’endormit. Elle y était très-bien. Je l’enveloppai de mon plaid ; je tirai de ma poche une petite Bible que j’avais apportée, et, m’asseyant au seuil de ce pavillon rustique où reposait mon enfant, je me mis à essayer de lire. Je cherchais, dans cette belle poésie des génies primitifs, les enseignements à la sagesse qui convenaient à la situation de mon âme. La concision de ces maximes antiques les rend propres à beaucoup d’interprétations, et le sens qu’on s’efforce de leur donner répond toujours à une préoccupation intérieure qui s’accuse et se creuse d’autant plus qu’on cherche à la définir. C’est ce qui m’explique pourquoi les exercices de piété rendent toujours plus vives les émotions qu’ils sont destinés à calmer.

Tout à coup, sans que je l’eusse entendu approcher, un homme sort du petit fourré qui m’environne et tombe à mes pieds. C’était lui, c’était Abel !