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— Oui, dit-il, elle m’engage ! Je vois bien que ce n’est pas de vous, c’est de moi que vous doutez ; j’aime mieux cela. Je saurai vous convaincre, et après tout c’est mon devoir. Merci, miss Owen je ne vous demande pas de gage, mais je vous supplie d’accepter le mien. Je n’oserais vous offrir un anneau, cela se voit ; mais voilà un brin d’herbe que je roule autour de votre doigt, ne le perdez pas ; ôtez-le ce soir et gardez-le desséché. Si je meurs avant de vous revoir, c’est tout ce qui vous restera de moi, et ce sera un souvenir tout aussi éloquent qu’un autre ! Si vous ne me le renvoyez pas, je reviendrai, je vous le jure.

Il baisa le brin d’herbe et le noua à mon doigt ; puis, comme M. Nouville approchait de nous, il me dit tout bas :

— Je vous quitte, il me serait impossible de faire de la musique ce soir et de dire une parole qui eût le sens commun. Je suis trop triste et trop heureux. Je pars, brisé de vous quitter, mais sûr de vous, puisque je le suis de moi ! Dites à Nouville que j’ai la migraine et qu’il m’excuse auprès de votre père. Il sait que je vous adore. Il expliquera ma fuite, il vous fera de la musique, et votre sœur n’aura pas le désagrément de m’entendre. Adieu, Sarah ! Je pourrais vous revoir encore, je ne le veux pas ; je ne serais peut-être plus aussi courageux qu’aujourd’hui. Adieu, ma fiancée ! Dans un an, à pareil jour, où que vous soyez, vous me reverrez !