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je contemplerai à genoux comme vous contemplez votre petite Sarah, que je bercerai sur mon cœur et à qui je dirai chaque soir, en m’arrachant à la brutale étreinte du public : « Purifie-moi avec ton regard, toi qui es un ange ! » Eh bien, eh bien, pourquoi donc pleurez-vous, mon enfant ?

Je pleurais en effet. Pourquoi ? Je ne le savais pas, je ne pouvais pas le lui dire. Il s’en inquiéta beaucoup. J’essayais de sourire, de m’expliquer ; je pleurais plus fort. Je ne sais quelle corde trop longtemps forcée se détendait en moi. Nous entendîmes des pas derrière nous, je voulais retourner vers la maison ; il me prit dans ses bras et m’emporta plus loin en courant. Je suis petite et pas bien lourde ; mais il me sembla qu’il avait une force surhumaine, et qu’en cet instant il eût emporté la montagne, s’il l’eût voulu.

— Pas encore, me disait-il. Je ne veux pas encore qu’on vous reprenne, qu’on nous sépare ! Je me jetterais plutôt dans la rivière avec vous. En me parlant et me portant toujours, il fournit une longue course, et, me déposant sur le sable, il se mit à genoux devant moi. Il prit mes mains, et ses lèvres cherchèrent mes cheveux, d’où mon voile s’était détaché.

— Non, lui dis-je, rien de cela, rien qui puisse ressembler à quelque chose de votre passé ! Ne me troublez pas. Laissez-moi vous aimer parce que je le devrai et non parce que vous l’aurez voulu.