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consacrerai le reste de ma vie, s’il le faut, à me faire aimer de vous. Voilà la vérité, miss Owen, et vos calculs de probabilités, vos appels à la vraisemblance, ce grand mensonge des appréciations vulgaires, n’y pourront rien changer. Ce n’est donc pas un rêve que je fais, et, si vous persistez à le croire, c’est que vous me croyez menteur et ne m’estimez pas.

Il serrait toujours ma main avec son bras gauche, et je sentais les forts battements de son cœur. J’avoue que je ne doutai plus. Je retirai ma main et la portai machinalement à mon front, qui me semblait près d’éclater.

— Mon Dieu, mon Dieu ! lui dis-je, suis-je digne de cet amour-là, et saurais-je le mériter ? Suis-je capable d’y répondre, et ne découvririez-vous pas que vous m’avez placée trop haut ?

— Si vous le partagiez, cet amour, s’écria~t-il, vous ne vous demanderiez pas cela, vous seriez comme moi, vous sentiriez que rien n’est bizarre, effrayant ni difficile dans l’avenir de deux êtres qui ne peuvent plus vivre l’un sans l’autre.

Que pouvais-je lui répondre ? Il n’était plus douteux pour moi que je l’avais aimé aussi à première vue, que son premier regard m’avait fascinée, que son génie m’avait vaincue, que son premier mot d’amour m’avait enivrée ; mais comment oser le lui avouer si vite ? Avais-je le droit, moi craintive et entraînée, de proclamer ma défaite comme un