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vation pour me suivre des yeux, et j’ai su ensuite que, si mon refus d’écouter les histoires avait un peu fâché mes nouveaux amis, la crânerie de ma course en rasant le flot et sautant de roche en roche leur avait donné une haute idée de mon caractère et de mon jarret.

— Eh bien, me dit ma tante quand je fus rentré, tu as perdu une belle occasion de connaître mademoiselle Merquem. J’étais si irritée contre madame de Malbois, que je lui ai tout conté. Elle en a ri, et, quand je lui ai conseillé de chasser cette méchante femme, sais-tu ce qu’elle m’a répondu ? « Je m’en garderai bien. Emma est charmante et ne doit pas être humiliée dans la personne de sa mère. D’ailleurs, rien ne m’inquiète ni ne m’offense dans tout cela. En ne me mariant pas, j’ai dû prévoir que je serais exposée à toutes les suppositions, et j’ai accepté la responsabilité de mon isolement. Répondez à ceux qui vous questionneront sur l’enfant mystérieux que, s’il m’appartenait, j’aurais le courage de le dire, et que, devant le bonheur d’avoir un fils, je ne saurais plus si la honte existe ; mais, hélas ! je n’ai pas la moindre lutte à soutenir pour un être aimé, et, n’ayant que moi-même à défendre du soupçon, je trouve que ce serait faire trop de cas de moi que de m’en tourmenter et de m’en fâcher. Tout ce que je me dois, c’est d’être irréprochable afin de n’être jamais insultée. N’ayant pas de protecteur, je me suis arrangée pour n’avoir pas besoin de protection, et je m’imagine que beaucoup de femmes que l’on défend et que l’on venge auraient fort bien pu ne pas donner lieu à tant de drames ; mais, en général, les femmes aiment les grandes émotions : chacun son goût. » Je lui ai demandé alors s’il était vrai qu’elle voulût élever et