Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/94

Cette page n’a pas encore été corrigée

trop de flâneurs, trop de baigneurs, trop de poseurs ; l’endroit n’est plus possible. Je suis venu en me promenant, le sac sur le dos, avec un petit âne pour porter mon bataclan. J’allais au hasard devant moi. L’endroit m’a plu, j’y suis resté, voilà tout.

— Je m’en réjouis. Je viens toutes les semaines chez une personne qui demeure là tout près, une amie de ma tante,

— Vous avez donc une tante, vous ? Vous êtes bien heureux ! Moi, je n’ai pas un chat qui s’intéresse à moi ; mais c’est mieux comme ça, au bout du compte ! N’ayant personne à aimer, j’aime la grande amie, la grande maîtresse, dame peinture !

— Et vous ne vous ennuyez jamais, je sais ça !

— Non, vous ne savez pas. Je m’ennuie quelquefois tout mon saoul : quand il pleut, et qu’on n’y voit pas pour piocher ; j’essaye de lire quand il y a des livres, mais ici il n’y en a pas.

— Je vous en apporterai…

— Non, merci. Il vaut mieux ne pas se distraire de l’ennui. Ça produit une réaction de bien-être et de courage quand le beau temps revient.

— Voulez-vous que je vous présente à ma tante ? Elle sera charmée de vous recevoir. Vous viendrez les jours de pluie, par la patache.

— Vous êtes bien gentil ; mais ça n’est pas possible. Je suis un ours, moi, mal léché, mal élevé, mal vêtu… Les dames de la haute, ça me gêne, et j’aimerais mieux dîner tête à tête avec vous dans quelque cabaret de ce village, quand vous reviendrez, hein ?

— Quand vous voudrez.

— Eh bien, dimanche, puisque vous venez de mon côté ?