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céder à mes enquêtes sans éveiller l’attention de mademoiselle Merquem sur mes démarches, lorsque l’imprévu, sur lequel il faut toujours compter, dérangea l’ordre immuable qui présidait à nos entrevues officielles.

Le jeudi suivant, madame de Malbois, étant venue rendre visite à ma tante avec sa fille, nous demanda d’un air qu’elle s’efforçait de rendre dégagé si nous avions vu mademoiselle Merquem dans la matinée.

— Je crois qu’il n’y faut pas trop compter, reprit la dame : nous voici dans les vents d’équinoxe, et mademoiselle Merquem doit être occupée à quelque sauvetage… Vous ne savez pas qu’elle dirige en personne ces choses-là ? Oui, ça l’amuse ; c’est un rôle ! elle s’habille en homme, elle va en mer avec les gens de la côte. C’est très-inutile, sans compter que c’est très-laid, le costume ! Voyez-vous d’ici une femme avec un bonnet goudronné ? Et puis c’est une comédie ! elle monte des barques bien solides, qui ne quittent pas le rivage ; elle donne des sommes folles à des maîtres nageurs qui bravent tout pour sauver des inconnus, et qui, par cupidité, s’exposent à désespérer leurs familles. Enfin elle a un beau zèle que beaucoup de gens admirent, mais que je trouve téméraire et déraisonnable. C’est mon opinion ; je ne la lui cache pas ; je suis la franchise même.

— Il me semble, dit ma tante, que vous lui reprochez des actes de courage et de dévouement qui l’honorent.

— Non ! non ! observa mademoiselle Emma, maman parle comme cela par amitié pour elle. Quant à moi, j’admire sans réserve. Je ne lui reproche que le