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— Je n’ai pas dit cela : je ne trouve pas mauvais que l’homme s’agite pour empêcher les destins de le mener aveuglément. Je dis seulement qu’à tête reposée, vous n’avez pas à vous plaindre de quelques heures de malaise. Vous ne changeriez pas ces alternatives de doute et de volonté pour la vie terre à terre de ceux qui ne connaissent ni joie ni souffrance ?

— Non certes ! mais vous semblez dire que vous êtes de ces gens-là ?

— Je ne sais trop de quelles gens je suis. Je crois que l’on ne choisit pas et qu’on doit, dans tous les cas, vivre en paix avec soi-même sans trop se demander si l’on vaudrait mieux autrement ; mais voilà qu’on nous apporte des costumes, et nos jeunes filles vous réclament. Vous avez promis de vous habiller en Turc…

— Oui, oui, en Turc ! s’écria Erneste en entrant. On ne peut pas se passer d’un Turc !

Je m’habillai en Turc avec une résignation consciencieuse. Mademoiselle Merquem avait persisté avec son adresse ordinaire dans l’habitude de se mettre en dehors de toute question personnelle ; mais elle m’avait témoigné une sorte d’intérêt plus marqué que les autres jours, et c’était la première fois que nous causions seuls durant cinq minutes sans qu’elle trouvât un prétexte pour prendre sa volée. Sa vie au milieu des hommes qui l’entouraient était un éternel fugit ad salices, d’autant plus désespérant qu’elle ne semblait pas y mettre la moindre préméditation. Était-elle assez ingénue pour ne pas savoir que la femme la plus désirée est celle qui se dérobe le mieux ?

J’en fis, ce soir-là, l’expérience directe sur moi-