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mort sur mademoiselle Merquem. Quant à moi, elle eût plaint ma famille et rien de plus, sans se douter jamais qu’elle eût perdu en moi le futur maître de sa destinée ; mais, tout en pleurant le fidèle Montroger, n’eût-elle pas senti, malgré son chagrin, qu’elle échappait à un lien dont la douceur cimentait la tyrannie ?

Ce lien existait-il ? Je portai toute mon attention sur ce point, et, à force d’observer l’effet de la présence de Montroger sur elle, j’oubliai un peu de m’observer moi-même. Elle fut frappée de ma préoccupation.

— Qu’est-ce que vous avez ? me dit-elle en passant avec moi dans une salle voisine du salon où les jeunes filles nous avaient demandé de leur arranger une charade. Vous avez l’air absorbé, ce soir. Une contrariété ? un bâton dans les roues du mariage d’Erneste ?

— Non, rien, répondis-je à tout hasard et pour répondre quelque chose : un grand sentiment d’ennui, voilà tout.

— Ces jeux d’enfants ne vous amusent pas ? Alors, pourquoi vous y mêler ? Restez avec les spectateurs.

— Rien ne m’ennuie. Ce n’est pas cela vraiment ; ce n’est rien.

— Alors, c’est tout.

— Vous ne connaissez pas le spleen ?

— Non.

— Vous n’avez pas le temps de le connaître ?

— Il ne tient qu’à vous d’user du même remède.

— Oui, le travail de l’esprit. Quelle est la plus belle étude, selon vous ?