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Célie bizarre et cruelle ; je me pris à sourire en pénétrant la cause d’un égoïsme bien pardonnable à une femme supérieure que l’on veut condamner à tomber sous la dépendance d’un bon gros garçon sans grande lumière et sans véritable énergie.

Un point légèrement touché dans sa narration me revenait à la mémoire, comme le point culminant de cette longue aventure. C’était le moment où Célie lui avait dit : « Pourriez-vous me jurer, à présent que vous êtes un homme et que vous avez l’expérience de la vie, que vous me serez exclusivement fidèle jusqu’à la mort ? » Avait-elle été émue ou tentée dans ce moment-là ? Était-ce une railleuse épreuve où elle était sûre de le battre, ou bien un effort suprême pour le ramener à la sagesse en se sacrifiant elle-même, s’il eût eu le courage de jurer ? Était-ce enfin un éclair d’amour, un regret de sa vie perdue et stérilisée, une tentative dernière pour croire et pour aimer ?

Quoi qu’il en soit, l’épreuve avait été trop forte pour le brave Montroger. Il n’avait pas voulu mentir, il ne l’eût pas su. En pareille circonstance, un homme passionné s’engage sans réflexion. Il ne croit pas être indélicat, il ne sait pas qu’il ment peut-être ; il a le feu sacré, il persuade, il se livre. Montroger était trop raisonnable pour être inspiré ; il avait hésité, il avait à jamais perdu la partie.

Donc, la conscience de mademoiselle Merquem pouvait être bien tranquille. Elle avait bien le droit de se garder pour un saint ou pour un homme enthousiaste au point de le paraître. Elle avait le droit d’aimer. — Pourquoi n’aimait-elle pas ?

Les confidences de Montroger ne m’avaient donc