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doutait certes pas lui-même et qui n’avait pu échapper à l’œil pénétrant de mademoiselle Merquem. Ce bel homme robuste, vermeil et un peu gras, à qui une grande passion n’avait ni creusé les yeux ni dévasté les tempes, ne pouvait pas avoir été l’idéal d’une femme aussi intelligente et aussi artiste que Celle, et je comprenais fort bien désormais qu’elle eût reculé avec effroi devant l’injonction de lui appartenir.

Qu’elle l’eût aimé d’amitié en raison du dévouement qu’il lui avait prouvé, je le comprenais encore ; mais que cette amitié eût été assez vive, assez enthousiaste, pour lui faire contracter le vœu de célibat, voilà ce que je ne pouvais admettre. Montroger, tout en se défendant de trop de présomption, caressait cette hypothèse au fond de son âme. Il se plaisait à croire que Célie, froide de tempérament ou follement éprise d’indépendance, avait pour lui la plus grande affection morale et intellectuelle qu’elle fût capable de ressentir. Il s’était résigné et habitué à ne pas lui en demander davantage. Sa propre liberté, que rien ne gênait et dont il faisait un usage prudent, modéré, mais point farouche, nullement fermé aux discrètes aventures de rencontre, l’ordre rétabli dans ses finances par cette vie de vertu facile, la considération dont il jouissait, le bon appétit et le bon sommeil qu’il avait, c’était là des compensations certaines à la mortification de n’avoir pas épousé la femme de son choix. Cette mortification, échue à bien d’autres, en a fait mourir fort peu, et il n’était point de ceux qui en meurent.

Il m’avait attendri par sa bonne foi, c’était assez ; il m’était impossible de me maintenir navré par son infortune. J’avais été tenté de trouver mademoiselle