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» — Ma conscience est tranquille à présent, répondit-elle avec une fermeté triste. J’ai fait pour vous tout ce que je pouvais faire, mon grand-père n’eût pu exiger davantage.

» — Qu’avez-vous donc fait ? m’écriai-je.

» — Je ne puis vous le dire, vous le saurez un jour.

» — Encore des mystères et des réticences ! Voyons, au nom du ciel, est-ce une épreuve ? M’aimez-vous un peu à travers vos dédains ? Avez-vous l’intention, l’espoir, le projet de m’aimer ?

— Je vous aime beaucoup et très-fidèlement, reprit-elle. Je ne peux pas vous aimer autrement que je ne fais ; mais je peux vous aimer davantage, et, au lieu d’être une amie qui vous plaint, je peux devenir une sœur qui vous estime. Cela dépend de vous et non de moi. Redevenez ce que vous étiez…

» — Ce que j’étais ! J’étais un homme naïf dont toutes les passions comprimées se résumaient en une seule dont vous étiez l’objet ; il fallait m’aimer comme j’étais alors, et je n’aurais jamais changé.

» — Je ne l’ai pas cru, je ne le crois pas encore. Je peux me tromper, mais la foi ne se commande pas. Si je vous avais prédit, il y a cinq ans, que vous auriez aujourd’hui dix ou douze maîtresses, n’auriez-vous pas juré de la meilleure foi du monde que cela ne serait jamais ? Voyez comme j’aurais été trompée, si j’avais cru en vous !

» — Si vous aviez cru en moi, je ne me serais pas jeté dans le tourbillon qui m’a emporté à tous les diables, et, si vous vouliez me croire à présent…

» — À présent, monsieur de Montroger, vous êtes un homme, un homme corrompu, il est vrai, mais qui a du moins acquis le sérieux de l’expérience. Si,