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un mot pour me justifier, et l’exagération de ses reproches m’ôtait l’espoir de la calmer en lui répondant. Et puis j’étais profondément humilié d’être ainsi traité en présence de mademoiselle Merquem. Il ne me semblait pas que ma mère fût aussi gravement malade qu’elle le prétendait, car elle parlait avec force sous le coup de la fièvre, et Célie n’avait pas l’attitude et la physionomie d’une personne qui s’attend à une crise suprême. Elle se tenait à l’écart, triste et rêveuse, comme si elle eût cherché le moyen de remettre la situation sur les bases de la vérité.

» Elle le cherchait en effet, car elle interrompit doucement ma mère pour la supplier de se calmer et de la laisser m’entretenir seul un instant. Elle appela Bellac et la vieille Berthe, leur recommanda de faire prendre à la malade une potion calmante qu’elle avait préparée ; puis elle me fit signe, et nous descendîmes au jardin.

» — Ma mère est-elle donc en danger ? lui dis-je aussitôt que nous fûmes seuls.

» — Pour le moment, non, répondit-elle. Ses nerfs sont surexcités, et, si je l’ai laissée vous parler comme elle l’a fait en ma présence, c’est parce qu’il ne faut pas refouler trop brusquement l’expansion des malades. Vous le savez, vous qui avez vu les souffrances physiques et morales de mon grand-père, et qui m’avez aidée tant de fois à les dissiper avec ménagement ; mais vous êtes un homme, et il est très-nécessaire que vous sachiez la vérité. Votre mère a une maladie du foie qui menace sa vie. Rien n’est perdu ; vous la guérirez, si vous le voulez bien. Seulement, il n’y a pas à hésiter. Menez-la à Vichy, et ne la quittez pas d’un jour. Rompez avec vos mauvais