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selle Emma de Malbois, que j’avais profondément oubliée sur sa chaise. La mère Malbois en bondit dé surprise et de joie sur la sienne, espérant toujours renouer ce mariage manqué.

— Est-ce que vous jouez du piano ? me demanda la châtelaine.

— Un peu. Vous êtes fatiguée ?

— Oui.

— Quel dommage ! Vous donnez la vie, l’amour et la jeunesse.

— Eh bien, reprit-elle en souriant, vous allez donner tout cela à ma place, mon feu est épuisé. Elle quitta le piano et disparut quelques instants comme pour donner des ordres, mais peut-être en réalité pour se soustraire à l’enthousiasme qui me gagnait et qui lui paraissait ridicule. Elle fut assez longtemps absente pour me donner de l’humeur et de l’ennui. Les petites personnes dont je dirigeais les grâces chorégraphiques me parurent sottes, même la délicieuse Emma, et je m’amusai à jouer faux et à massacrer la mesure pour les contrarier. Erneste m’accabla d’injures, et ma bonne tante, qui me tenait pour un bon pianiste, rougit de ma conduite. Enfin, mademoiselle Merquem reparut ; il était temps. Montroger perdait la tête et embrouillait toutes les figures. J’espérais, je ne sais pourquoi, découvrir quelque émotion sur la figure de la châtelaine. Elle avait la sérénité d’une belle âme qui vient de s’adonner à la confection du punch glacé. Elle appela M. de Montroger pour lui dire que c’était le sorbet qu’il aimait, et qu’elle l’avait surveillé elle-même pour le récompenser d’avoir dansé. Cette gâterie me parut une cruauté gratuite, car elle amena presque une larme