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dent, comme si son doux et profond regard embrassait à la fois les deux faces du vrai dans l’appréciation de toutes les choses de la vie. Doit-elle à la seule impulsion d’une nature inouïe de perfection, ou à la forte et paisible éducation qu’elle a reçue de Bellac, cette lucidité du cœur et de l’esprit ? Il y a de l’un et de l’autre. Bellac est un sage dans toute l’acception du mot classique, mais Célie est un sage avec la tendresse infinie d’une femme et d’une mère, avec l’enthousiasme d’un poëte et d’une amante. Peut-être ne sait-on pas à quel degré de charme et de mérite pourrait s’élever la femme bien douée, si on la laissait mûrir, et si elle-même avait la patience d’attendre son développement complet pour entrer dans la vie complète. On les marie trop jeunes, elles sont mères avant d’avoir cessé d’être des enfants. On les élève, d’ailleurs, de manière à prolonger cette enfance toute la vie ; aussi ont-elles perdu toute puissance réelle et toute action légitime dans la société.

En savourant mon bonheur et en réfléchissant à l’existence exceptionnelle qui avait fait de Célie une femme d’exception, il m’est arrivé parfois d’être forcé de reconnaître que Montroger avait été le levier inconscient des mérites de sa vie et des joies suprêmes de la mienne.

Je jugeai, après six mois de séjour dans le Midi, que le Nord lui serait plus favorable et plus doux à respirer. Elle y recouvra, en effet, ses forces complètes d’autrefois, et elle fut heureuse de se rapprocher de ma tante, qui était devenue sa mère aussi bien que la mienne. Montroger paraissait très-content de son sort, et sa femme n’abusa pas trop de son empire absolu. Enchantée d’être riche, elle n’abusa pas non plus